Sally Gabori

La talentueuse et énigmatique Sally Gabori

 

Pour la toute première fois de sa carrière, l’artiste aborigène Mirdidingkingathi Juwarnda Sally Gabori, présente une exposition personnelle hors de l’Australie. Ce rendez-vous artistique immanquable est à voir à la Fondation Cartier pour l’art contemporain jusqu’au 6 novembre. Voici un petit aperçu dans la balade d’Amélie…

 

Ce qui rend l'œuvre de Sally Gabori unique, outre la qualité intrinsèque de ses toiles monumentales, lumineuses et colorées, c’est l’histoire absolument incroyable qui entoure le parcours de Gabori en tant qu’artiste. Née vers 1924 sur une île minuscule au nord-est de l’Australie, elle est contrainte de fuir avec son peuple, les Kayardilt, en 1948 après qu'un cyclone et un raz-de-marée aient ravagé sa terre ancestrale. Sa communauté s’installe sur l'île voisine de Mornington. Déracinée, elle vit une existence simple et modeste avec son mari et ses onze enfants, consacrée principalement à la confection de filets de pêche. Ce n’est qu’en 2005, à 81 ans, alors qu’elle est en maison de retraite, qu’elle découvre la peinture dans un centre d’arts. Sur les encouragements de son médecin, elle se met à peindre et attire très vite l’attention. Isabelle Gaudefroy, directrice artistique adjointe de la Fondation Cartier, raconte : "Elle vient d’une culture dans laquelle il n’y a quasiment pas d’art visuel. Il n’y a pas de tradition de peintures corporelles, de peintures sur des rochers ou dans des grottes. La profonde originalité de la peinture de Sally Gabori provient probablement de cette absence de références préalables."

 

 

Totalement vierge de toute référence historique, artistique ou culturelle, Sally Gabori dispose d’une liberté totale dans son processus créatif. Le poids de l’Histoire ne pèse pas sur son pinceau. Les parallèles sont impossibles. Certains connaisseurs la comparent à Clyfford Still, Willem de Kooning ou à divers représentants de l'expressionnisme abstrait, mais pourtant, le travail de cette autodidacte ne ressemble à rien que nous ayons pu voir jusqu’à présent. Et alors que l’on croirait se retrouver face à d’immenses étendues abstraites, Sally, elle, décrit son travail comme des représentations très concrètes des paysages de son île natale.

 

 

En déambulant à travers les lumineuses salles de la Fondation, on en prend plein les yeux, on perçoit petit à petit cette destinée totalement extraordinaire, cet appel de l’art plus fort que tout, ce besoin viscéral de créer et de s’exprimer sur une toile. Cette vie exceptionnelle, on aimerait un jour la retrouver adaptée dans un bon roman ou dans un film. Bluffant !