Miami Art Basel 2021

Genesis Tramaine, Kennedy Yanko, Louisa Gagliardi

 

 Il nous aura fallu quelques jours pour digérer cette semaine passée à Miami à l’occasion de la foire Art Basel. Avons-nous tout bien tout saisi ? Sommes-nous passés à côté de l’essentiel ? Comment se fait-il que nous ne ressentions pas l’universel engouement de nos pairs ? Pas de “wow”, ni de “amazing” de notre côté pour la “main fair” de cette édition sous les palmiers et le béton. En 2019 nous écrivions à l’occasion d’une autre foire célèbre : “On s’amuse à instagramer les instagrameurs qui s’instagrament devant les toiles, une mise en abîme bigarrée qui nous laisse songeurs. Jusqu’où va la catharsis si l’on regarde seulement une toile à travers le prisme de sa ‘story’ ? A-t-on le temps d’interpréter, d’analyser, de comprendre quand on se précipite pour poster un cliché carré ? La foule qui se presse devant les citrons étincelants et piqués de pierres précieuses de Kathleen Ryan aperçoit-elle seulement la pourriture manger le fruit ? Oui les apparences sont parfois trompeuses… On se demande bien combien de temps durera, et jusqu’où ira, ce marché de l’art qui vend une banane scotchée à un mur pour 120 000 dollars (Maurizio Cattelan à Art Basel Miami 2019).” On aurait pensé que deux ans et une pandémie plus tard, les choses auraient peut-être changées, mais non. Absolument pas. Il semblerait que rien n’arrête plus la folie… Cargos et avions sont affrétés par des galeristes européens pour transporter des œuvres qui seront achetées par d’autres européens qui auraient pu effectuer cette transaction sans dépenser quatre tonnes de CO2 en plus de leurs millions d’euros. Mais bien sûr, mieux vaut ne pas trop y penser et se rassurer comme on peut : “c’est important de ne pas perdre le lien social”, “c’est plus beau en vrai que sur Insta” ou encore “ça fait deux ans qu’on a pas voyagé !”.

 

Claudia KeepIssy Wood, Yayoi Kusama

 

 

Une fois rassurés (et démasqués) on ne sait plus bien où donner de la tête et tout se mélange : on nous parle du show Vuitton en hommage à Virgil Abloh, du dernier crypto-boy de dix-neuf ans qui donne une conférence et ses conseils avisés pour acquérir des NFT, on nous propose un vernissage/vente de sacs à main, mais tout ceci bien sûr est impossible sans le Pouvoir du Sceau Sacré : notre nom sur une guestlist.

 

Amako Boafo, , Reginald O'Neal, Otis Kwame Kye Quaicoe

Derrière tout ce plastique, cette superficialité et, il faut bien le dire, ce bullshit spéculatif, il émerge quand même quelques pépites. Des galeries indépendantes qui défoncent des portes et ne font rien comme tout le monde (JTT NYC, the Hole, Sorry We’re Closed, Superzoom), des foires passionnantes comme NADA (New Art Dealers Alliance) où l’on rêverait de tout accrocher dans notre salon (coup de cœur pour l’artiste Claudia Keep et ses petits formats, sortes d’instantanés d’une simplicité poétique qui fait du bien). La part belle est faite à la figuration avec des artistes-femmes superstars comme Issy Wood ou Louise Gagliardi. On découvre aussi une vraie représentation d’artistes noirs, afro-américains ou issus de la diaspora africaine. Parmi eux Otis Kwame Kye Quaicoe artiste ghanéen résident en 2021 chez les Rubell, mais aussi Danielle Mckinney et ses SUBLIMES toiles suaves et enfumées, nous restons sans voix devant les sculptures monumentales de Kennedy Yanko et les grands formats bouleversants de sens de Reginald O'Neal. Du beau il y en a, mais c’est comme souvent, il faut quitter les chemins tout tracés et savoir regarder là où personne ne s’arrête.

 

Danielle Mckinney

 

Peut-être aussi faut-il un tel chaos, une telle foire justement, pour apprécier encore davantage les jeunes talents (artistes comme galeristes) émergents. Espérons seulement que cette future génération saura s’émanciper des codes dépassés du monde de l’art contemporain et de cette foire très fatiguée.