Spiral Jetty

 

 

Avril 1970, sur les abords du Grand Lac Salé, installé dans le paysage lunaire et désertique de l’Utah, le sculpteur américain Robert Smithson inaugure sa Spiral Jetty, ou Jetée en spirale en français. Cette langue de pierres elliptique, composée de sel minéraux, de boue et de roches de basaltes, s’enroule sur plus de 457 mètres de long et de 4,5 mètres de large, dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, à l’opposé du temps qui défile. Cette œuvre monumentale s’inscrit, et même représente, l’apogée du Land Art, ce courant artistique qui puise son inspiration dans la nature et qui émerge aux États-Unis à la fin des années 60. On y retrouve cette volonté de fuire les espaces consacrés (galeries, musées, institutions), ce désir de création éphémère soumis aux éléments, à la puissance du vent, de la pluie, à la destruction organique imposée par la nature.

 

 

Cette digue de basalte, construite au moment d’une intense sécheresse, était vouée à disparaître. Mais, depuis des années, l'œuvre vit, et même survit, au rythme de l’eau. Elle surgit lors des périodes arides et disparaît avec la résurgence des flots. Allégorie de la création et de la vie, cette Spirale Jetty synthétise ces cycles féconds contrebalancés par des périodes de jachère. Rappelant, continuellement, qu’après chaque disparition s’annonce une renaissance, le tout régi par l’horlogerie si précise de la nature et de la vie. Sa forme elliptique rappelle, elle aussi, cette révolution du temps, cette notion d’infini et de perpétuel retour au vivant. On ne peut s’empêcher de penser aux calendriers solaires des mayas qui prédisaient avec précision le futur et les grandes étapes des siècles à venir.

 

 

Peut-être que, d’ici quelques siècles cette spirale infinie, ce symbole anthropique témoin des resplendissantes années 70, du Land Art et de la folie humaine aura disparu. Mais peut-être que, malgré le déchainement des éléments, la montée des eaux, l’érosion et les constructions humaines, cette horloge allant à l’opposé du temps réapparaîtra, inlassablement.