Femme à l’éventail de Paul Gauguin

Le tableau Femme à l’éventail (1902) appartient au très prolifique cycle polynésien qu’entame Paul Gauguin lorsqu’il quitte la France dans les années 1890 et part sur les traces d'un mode de vie primitif à l’autre bout du monde. Ce périple exotique va bouleverser  son existence. Gauguin goûte à l’essence originelle de l’homme, il touche du doigt l’Eden pas encore déchu, la vie sauvage vantée par Jean-Jacques Rousseau, la douceur d’un paradis terrestre non-perverti… Gauguin ne rentrera qu’une seule fois en France, afin d’exposer son travail et de convaincre ses contemporains du bien-fondé de sa quête exotique. Mais il lui faudra quelques années avant de retrouver son îlot du Pacifique et lorsqu’il débarque enfin, Tahiti n’est plus la même. La colonisation et la civilisation ont entaché l’île et ses habitants que Gauguin trouvait si libres.

Désespéré d’avoir à jamais perdu son Tahiti d’autrefois, ce bout de terre sauvage qui lui avait inspiré sa recherche de simplicité dans les formes et les couleurs, malade et ruiné, Gauguin fuit pour l’île d’Hiva Oa, l’une des Marquises. Dans ce lieu béni, il construit une bâtisse aux pans de bois sculptés, retrouve l’inspiration qui s’était évadée et passe les dernières années de sa vie. Là-bas, il réalisera plusieurs toiles, moins connues et plus simples, dont sa Femme à l’éventail . Dans l’un de ses manuscrits, le peintre se confie avec légèreté : "Mes toiles de Bretagne sont devenues de l'eau de rose à cause de Tahiti ; Tahiti deviendra de l'eau de Cologne à cause des Marquises." En effet, ce portrait de Tohotaua, femme d’une beauté époustouflante, épouse du sorcier du village, créé à partir d’une photographie, est différent de ceux réalisés à Tahiti. Gauguin a supprimé tout élément de contexte, tout détail superflu, ici le sujet est le sujet, il n’y a plus de place pour les ornements mystiques. Cette toile est aussi un peu plus triste que ses précédentes, plus sombre elle  témoigne de l’isolement et de la détresse de l’artiste. Plus sombre donc, mais peut-être même encore plus belle dans toute sa simplicité et sa pureté.