Il était une fois...Joseph Mallord William Turner

 Peintures et aquarelles de Joseph Mallord William Turner

“Coucher de soleil”, vers 1845, aquarelle sur papier. J. M. W. TURNER / TATE

 

Soixante aquarelles et une dizaine de peintures à l’huile réalisées par Joseph Mallord William Turner ont été réunies pour la première fois entre les murs de l’élégant Musée Jacquemart-André à Paris. L’exposition, inaugurée le 13 mars, fut fermée deux jours plus tard à cause du confinement. Durant ces longs mois le musée fut plongé dans l’obscurité la plus totale et une température de 19 degrés fut maintenue pour la préservation des chefs-d’oeuvre. L’exposition, réouverte depuis, accueille un public restreint, masqué et distancié, mais toujours autant fasciné par le sublime talent de ce peintre de la lumière, cet amoureux de la mer, ce coloriste surdoué qui ouvrit la voie aux impressionnistes.

Après ses années d’études à la Royal Academy, William Turner se spécialise dans le dessin de perspective en travaillant auprès de grands architectes. Rapidement repéré par l’Intelligentsia londonienne, Turner est régulièrement commissionné par de grandes familles britanniques pour peindre des “portraits de châteaux”. Ce travail l’emmène loin de Londres, vers les bucoliques campagnes anglaises. Cette première confrontation avec la nature est un choc esthétique extraordinaire pour l’aquarelliste romantique qui trouve ses sujets de prédilection en peignant l’atmosphère, les couleurs, la lumière. Turner prend goût au voyage et traverse l’Europe, découvre Venise, qu’il adore, la Suisse, Chamonix, les bords de la Loire... Il remplit ses carnets de croquis avant de rejoindre son atelier londonien et mettre sur toile ses souvenirs et impressions. À l’huile ou à l’aquarelle il peint ses célèbres “paysages historiques baignés des lumières chaudes d’aurores ou de couchers de soleil incandescents”.

“Mer agitée avec des dauphins”, 1840, huile sur toile, J. M. W. TURNER / TATE

 

 

Mais à côté de cette production officielle composée d’oeuvres monumentales et emblématiques, Turner prend de l’audace, expérimente et réalise quelques oeuvres marginales et avant-gardistes, étonnantes de modernité, frôlant la peinture gestuelle. “Mon travail consiste à peindre ce que je vois non ce que je sais être là” expliquera-t-il. En effet, la peinture devient pour lui un moyen d’exprimer ses réactions face à un paysage plutôt que l’expression même d’un paysage réaliste. Cette recherche d’impression et de spontanéité le mènera à la limite de l’abstraction avec des aquarelles comme “Venise : vue sur la lagune” et “Coucher de soleil” ou cette huile abstraite intitulée “Mer agitée avec des dauphins”. C’est ce savant mélange entre marines historiques et abstractions intimes que le Musée Jacquemart-André met aujourd’hui en lumière au travers d’une rétrospective stupéfiante de modernité.

 

“Venise : vue sur la lagune”, 1840, aquarelle sur papier.  J. M. W. TURNER / TATE

 

Turner, peintures et aquarelles, jusqu’au 11 janvier 2021 au Musée Jacquemart-André