Voyage immobile

C’est officiel : le confinement perdure, l’enfermement se prolonge et l’hiver s’installe progressivement. Nos appartements deviennent des cocons douillets et chaleureux que l’on remplit de romans, de bibelots, de fleurs… Dans ces lieux où l’on passe définitivement de plus en plus de temps, on accroche toiles, photos et multiples objets d’art dans l’espoir de s’entourer d’un peu de beauté. Ce week-end, pour échapper à la grisaille et à la routine, nous avons feuilleté le catalogue raisonné du peintre écossais Peter Doig. Ses paysages enneigés, ses forêts et ses nuits étoilées nous ont fait voyager… À défaut de parcourir le monde, nous vous recommandons d’ouvrir les yeux et de profiter de ce voyage immobile que nous offre ce peintre, maître du paysage.

 

100 Years Ago, Peter Doig, 2001

Dans la foulée de Paul Gauguin, Peter Doig peint les îles, l’eau cristalline et la luxuriance des forêts tropicales. Lui, c’est les Caraïbes qui l’inspirent, Trinidad en particulier, île des Antilles où il s’est exilé. Mais derrière ces lagons nacrés et ces paysages magiques se cachent une dimension mystérieuse, une présence solitaire et égarée, symbolisée par l’Homme. Dans “100 years ago”, tableau emblématique de l’œuvre de Peter Doig, un baba-cool christique dérive sur l’infini bleuté à bord d’un canoë gigantesque. Ce canoë, thème allégorique et récurrent chez l’artiste, évoque une barque de Charon naviguant sur le Styx, fleuve de la mémoire.

Pelican (Stag), Peter Doig, 2003

“L’artiste britannique nous invite à une exploration nostalgique des eaux troubles de notre mémoire, et nous ramène aux débuts de la modernité à travers ses souvenirs personnels” explique Angela Lampe, conservatrice au Musée national d'art moderne de Paris. En effet, Doig peint souvent à partir de photos, prises ou trouvées, il aime aussi (ré)intègrer à ses paysages oniriques de multiples références : l’univers mélancolique de Munch, les douces chromies utilisées par Matisse, mais aussi la pochette de disque du groupe rock américain The Allman Brothers Band. Ses toiles font naître des réminiscences, des souvenirs parfois mélancoliques, mais dans tous les cas elles ne laissent pas insensibles et invitent au voyage intérieur.

 

à gauche : Red Boat (Imaginary Boys), Peter Doig, 2004

à droite : Grand Riviere, Peter Doig, 2001