Il y a une naissance à Paris en mai 1968, Il y a une enfance en banlieue,
Il y a un besoin absolu de nature,
Il y a la Chine et le chinois,
Il y a des vies ailleurs : Brésil, Argentine,
Il y a ces « vies ailleurs » chargées de rencontres et d’apprentissages, Il y a l’engagement pour l’art,
Il y a le choix de vivre au cœur de la garrigue
Il y a des toiles, des toiles avec de l’encre, des pigments, des cendres, Il y a des toiles traversées de fils piqués,
Il y a des gravures, des gravures à la pointe sèche souvent,
Pour l’éloge du risque !
Il y a des papiers encrés, cendrés, peints à l’huile et traversés par le fil aussi, Il y a des pavés, des parpaings devenus pavés, symbole d’une construction.
Il y a des cintres suspendus,
Il y a des plaies encrés, piqués,
Il y a cette histoire de temps, typographie sur parchemin,
Il y a des mots qui font signes, Il y a des failles,
Il y a l’expression du vacillement de l’être.
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Florence Grundeler est une artiste plasticienne née en 1968. Sinophone et habitée par la culture chinoise, elle a également nourri son apprentissage lors de séjours au Brésil et en Argentine. Dans des installations, gravures et surtout des toiles traversées de fils et d’encre, cette adepte de la matière fait vivre l’espace et le vide pour mieux cerner les fulgurances et les lignes qui en émergent. Formée au paysage plutôt qu’à l’image artistique, elle revendique le besoin de ce minimum de virginité dans la façon de travailler. En appelant significativement son atelier « l’Entre », l’artiste confirme son désir de fouiller les marges, les intervalles, laissant advenir quelques possibles, dans la liberté, l’instinct ou les maladresses qui emmènent autre part.
[...] Sur la toile, les fils dessinent une ossature, une ligne de crête sur laquelle viennent jouer les matières funambules. Le fil traverse le vide et présente ses extrémités, comme la ligne de la main, menacée d’être coupé par les Parques de la fable. « J’ai piqué tous mes horizons, toutes mes traversées », dit-elle. Comme autant de points de fuite, c’est-à-dire de possibilités, chaque fil parcourt les trames des laines de coton piqués, qu’on pourrait lire du bout des doigts comme du braille. La matière, en général, a une place de choix dans cette oeuvre. Le papier est comme une peau, duveteux et avide de caresses et les réserves sont celles d’un paysagiste respectant l’état de nature. Ces papiers de fils cousus sans cadre ni loi limitent leurs gammes à des tonalités naturelles (entre le blanc et le noir majoritairement) comme s’ils redevenaient eux-mêmes des fibres détachées de l’écorce des plantes textiles. La couleur n’est jamais utilisée dans sa fonction illusionniste mais en tant que matière : noir liquide, gris de cendre, blanc de plomb. Et l’encre de chine particulièrement. Florence Grundeler parle de la découverte de ce médium comme d’une véritable rencontre. L’expérience physique surgit dans l’odeur et dans la façon dont le liquide se répand, tel un ressac surprenant une semi-torpeur.
Cette immédiateté de la technique est un aspect du travail de l’artiste, notamment dans les séries d’huile, cendre, encre de Chine et fil sur papier. Le matériau s’accumule dans l’esprit avant de se glisser sur le support. Il jaillit d’une méditation comme le prolongement du souffle. Le geste conserve donc une certaine autonomie, une spontanéité, mais par-là même une forme de fragilité, comme l’illustrent les bouts de tarlatane repliés sur eux-même comme des papiers en feu ou l’incorporation de cendres à la matière.[...]
La pensée de l’écart est chère à Florence Grundeler, qui fouille les matières entre le noir et le blanc, le tendu et le lâche, le plan et le solide. Au duo fil / ligne répond celui de cube / pavé. Éloge de l’altérité est une installation de format carré (160 x 160 cm), constituée de cubes de parpaing agencés en quadrillage de manière à laisser des places vides. La majorité des blocs est surmontée d’une plaque de zinc, cuivre ou acier, à la surface plus ou moins réfléchissante et matiérée. [...]
Peut-être la légèreté se situe-t-elle dans quelque chose d’aussi compact que les pavés de béton ou la trame nouée des tissages ?
Elora Weill-Engerer, critique d’art
"Une exploration liée au temps, la traversée, le chemin,
ralentir le temps, elargir l'espace,
des répétitions qui sont comme des renouvellements,
l'utilisation de médiums et matériaux simples
(encre de Chine, pigments, cendre, fils)
Pour, avec le minimum, ouvrir l'imaginaire au maximum."
Florence Grundeler