La Collection Morozov

Hiver 2016, les français découvrent la somptueuse collection de Sergueï Chtchoukine, mécène russe du début du 20ème siècle. Quelques mois plus tard, ce sont 1,3 millions de visiteurs qui sont restés bouche bée et yeux écarquillés devant ces chefs d'œuvres de l’art moderne. Un record expliqué par l’incroyable diversité de cette riche collection, des tableaux exposés pour la première fois en France et un travail curatorial à couper le souffle. Octobre 2021, la Fondation Louis Vuitton réitère. Sous les courbes du bâtiment imaginé et conçu par l’architecte Frank Gehry, l’institution culturelle accueille les compatriotes moscovites et “concurrents” de Chtchoukine, les frères Morozov. Cette collection, voyageant pour la première fois en dehors de la Russie, rassemble des œuvres majeures de Cézanne, Gauguin, Van Gogh, Renoir, Monet, Bonnard, Denis, Matisse, Derain et Picasso aux côtés d’artistes emblématiques de l’avant-garde russe tels que Vroubel, Malevitch, Répine, Larionov et Sérov.

 

gauche, @matchwithart, droite Cézanne

 

Richissimes industriels russes du 19ème siècle, amateurs de classique moderne, collectionneurs précurseurs qui n’hésitent pas à miser sur des artistes méconnus sous les conseils avisés des galeristes et marchands Ambroise Vollard, Eugène Druet ou encore Paul Durand-Ruel, les Morozov sont plus tempérés que Chtchoukine dans leur engagement artistique, mais néanmoins précurseurs. L’un des frères, Mikhaïl, fut d’ailleurs le premier Russe à acheter une toile de Picasso, et ce pour la somme de 300 francs ! Leur collection recèle de véritables icônes de l’art moderne, telles que La ronde des prisonniers de Vincent Van Gogh, le Portrait d’Ambroise Vollard par Pablo Picasso ou le Triptyque marocain d’Henri Matisse.

 

Régulièrement critiqués ou méprisés, les Morozov sont souvent présentés comme de riches spéculateurs incultes. On raconte à tort que les galeristes parisiens leur refilaient  de la marchandise de second choix. On encense les œuvres réunies par Chtchoukine, on minimise celles des Morozov. On oublie, aussi, que cette collection c’est l’Europe mêlée, la Russie qui parle le français, les français bercés par Tchaikovsky, l'émerveillement de deux frères russes pour les trésors de notre pays. Cette exposition, c’est l’occasion de rendre à notre tour hommage à ces deux francophiles, grands amoureux de l’impressionnisme, de Paris et de ses artistes. On y découvre leurs goûts variés, leur intérêt pour la nature et la couleur, l’attention portée au mouvement Nabi et surtout l’amour oublié d’un peuple pour un autre.